« Qui a piqué mon verre ?
Qu'est-ce que c'est que cette affaire ? »,
Réclama une poule ivrogne,
Prise d'une soudaine grogne
Contre le merle avare
Propriétaire du bar.
« Encore une bouteille !
Je me sens de merveille ! »,
Dit-elle sans écouter
Les pleurs de ses poulets
Envoyés par le coq
Chercher leur mère vioque.
« Allez-y, faites vite !
Servez-moi l'eau bénite ! »,
Caqueta-t-elle sous l'effet
De secousses d'hoquet,
Faisant rire tourterelles,
Pigeons et hirondelles.
« Vaudrait mieux que tu rentres,
Bientôt finit le chantre »,
Bafouilla le canard,
Macro d'un lupanar
Qui fonctionnait les soirs
Pas loin de l'abattoir.
« J'suis pas une de tes pouffiasses !
J'ai ma propre paillasse »,
Exclama fort la poule,
Qui était tellement saoule
Qu'elle lâcha un gros pet
Puant le beaujolais.
« T'es vraiment putréfiée,
Volaille de poulailler ! »,
Réclamèrent les moineaux,
Qui habitaient les plateaux,
Loin des cloisonnements
Et de l'engrais adjacent.
« Que dire de votre bocage,
Plumifères sauvages ? »,
Répondit un dindon,
Dont l'urbanisation
Lui semblait préférable
Aux sapins et érables.
« Vos arbres centenaires
Mourront sous l'effet de serre ! »,
Rigola une pintade,
Qui faisait sa ballade
Entre le potager
Et le bar du grenier.
« Et bientôt les chasseurs
Vous feront du malheur »,
Ajouta une oie obèse,
Dont sa pauvre hypothèse
Était qu'elle survivrait
Au-delà de cet été.
« On mangera du pâté,
Désolée de t'offenser »,
Répondit, très cynique,
Une cigogne alcoolique,
Faisant éclater de rire
Les grues et oiseaux-lyres.
« Je vais te casser le bec,
Sale espèce de métèque ! »,
Hurla le chapon gavé,
Réussissant à agiter
La volière éthylique
Devenue frénétique.
« Mieux vaut mourir libre
Que manquer de savoir-vivre »,
Interrompit une aigle,
Qui apparue sur le seigle,
Terrifiant la tribune
De ses yeux comme deux lunes.
« Vous faites pitié, mes frères,
Qui veut être mon adversaire ? »,
Lança-t-elle, ainsi, le duel
Au tas de lâches oiselles,
Prises en traquenard
Sous son méchant regard.
« Pas moi, j'suis pacifique,
J'envole chercher les flics »,
S'excusa l'alouette,
Jetant sa cigarette
Tout près d'un haquet de paille,
Mettant le feu à la grenaille.
« Rentrons chez-nous, les p'tits,
il est tard, c'est parti ! »,
Dit la poule d'un ton doux,
Poussant dehors d'un coup
Ses poussins tous naïfs,
L'air minable et chétif.
« On ferme, allez, à bientôt !
Chacun dans son ghetto »,
Brailla le merle noir,
Caché sous l'accoudoir,
Oublieux de l'incendie
Et des frais en eau-de-vie.
« Dépêche-toi, vieille poule,
Fais comme moi, vas-y, roule ! »,
Exclama l'oie ventrue,
Le regard suraigu
De voir fuir toutes les bêtes,
Des hiboux aux mouettes.
« Fuyez vite la pagaille,
Bonne chance, les volailles »,
Souhaita le colibri,
Qui rentrait dans son nid,
Dépassant toute rancune,
Faisant cause commune.
« C'est le grenier qui fume !
Pourquoi il y a tant de plumes ? »,
Cria au secours l'éleveur,
Surpris qu'un barge-pêcheur
Sorte du feu du fenil
Priant les évangiles.
« Que vais-je faire maintenant ?
Plus de grain, plus d'argent ! »,
Lança-t-il déprimé,
Le feu ayant décimé
Sa récolte, ses quintaux...
Et le bar des oiseaux.
« On va les égorger
Et les vendre au boucher »,
Dit-il, le lendemain,
Ayant perdu le grain
Qui servait de victuaille
Pour nourrir les poulailles.
« Fini l'aviculture,
On se serre la ceinture »,
Annonça-t-il, pensif,
Aiguisant les canifs,
Tristes les oiseaux des arbres,
Les poules pâles comme du marbre.
« Plus jamais une goutte d'alcool,
J'aimais bien ces bestioles »,
Gémit le cardinal
À la tête du choral
Placé dans les broussailles,
Ce jour de funérailles.